Placide Vigneau - Statistiques 1900


VIGNEAU, Placide. Statistiques 1900, Île-aux-Perroquets (archipel de Mingan), 1900 à 1911, Manuscrit, 325 p. Disponible en ligne : http://pistard.banq.qc.ca/unite_chercheurs/description_fonds?p_anqsid=201108241809352635&p_centre=09N&p_classe=P&p_fonds=48&p_numunide=803673, consulté le 24 août 2011.

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Kegaska


    Kegaska est un mot de langue montagnaise qui signifie petit passage, passage étroit et leurs équivalent. Ce fut le premier endroit de la côte habité par des accadiens.

    Cet endroit fut établi au printemps de 1854 par Jean Boudreau, surnommé petit Jean, Narcisse Harvy, surnommé Coco, et Urbain Bourgois, surnommé Grand Urbain. L'année suivante (1855), ils furent rejoint par Isidore Giasson, surnommé Zidoria, Patric son frère, Laurent et Boniface Bourgeois, Jude Poirrier, Laurent Gallant et une famille De Raps, surnommé les Bertrands.

    Vers ce même temps Lazare Petit Pas fut aussi s'établir à l'anse aux Clercs près de Blanc-Sablon, sur le Labrador terreneuvien. Peu de temps après Urbain Bourgeois fut le rejoindre ayant parcouru une partie de la côte sans se fixer nulle part. Ces deux familles vinrent s'établir à la Pointe aux Esquimaux en 1860. Laurent et Boniface quittèrent aussi Kegaska pour la Pointe, mais ce dernier y retourna peu de temps après.

    Vers 1860 ou 61 Simon Bourque, surnommé [p.56] Simon Madeleine, fut aussi habiter Kegaska. Deux de ses fils étant marié cela formait 3 familles. Vers ce même temps, Théobère Giasson natif de [à revoir] CB et célibataire fut aussi s'y établir et s'y maria quelques années après. Jude Poirrier, après avoir passé un an à Kegaska retourna aux iles de la Magdeleine, vint passer un an à la Pointe et retourna habiter à Kegaska que quelques années plus tard. Durand ce laps de temps quelques familles canadiennes qui habitaient sur la côte depuis quelques temps, se joignirent à eux. Notament les Guilemettes. Durand leur séjour en cet endroit la population n'atteignit jamais le chiffre de 25 familles, je n'oserais pas même affirmer qu'elle dépassa le chiffre 20.

    Ils n'eurent jamais d'école et ne se donnèrent pas même la peine de bâtir une cabane pour y loger les chiens du missionnaire lors qu'il allait y donner la mission. On s'appercevait que cet endroit était habité par des catholiques, à la croix qui était planté au milieu de leur cimetière. A part cela on [p.57] ne voyait aucun autre signe extérieur de culte. Pourtant c'était des personnes religieuses et qui paraissaient avoir à coeur d'acomplir leurs devoirs de chrétien. Mais l'érection d'une petite chapelle d'une vingtaine de pieds pour y faire la prièreen commun, leur paraissait un travail inutile. Le père Zidoria, l'orâcle du lieu avait pour axiome: le Bon Dieu n'est pas fier près de l'église, loin du Bon Dieu etc etc.

[Note en rouge de la page 57 : Durand leur séjour à Kegaska il y eut 5 morts accidentelles dont 4 noyés du même coup vers 1850? et un autre qui se tua en tombant du haut du toit d'une maison. A Betchewan 2 noyés [...] ]

    C'est aussi dans cette localité que certaines vieilles coutumes de nos grands-pères se conservèrent le plus longtemps. Il existait une magnifique petite chapelle à Etamamiou, bâtie en 1854 ou 55 par les anciens habitants de la côte au prix de bien des sacrifices. Étant devenue presqu'inutile depuis un certain nombre d'années là où elle était bâtie, ils furent la démolir en 1869 ou 70, avec la permission de l'évêque, pour la rebâtir chez eux. Mais ils ne firent que lever la charpente car en 1871 ils se décidèrent d'abandonner Kegaska pour venir s'établir à Betchewan, et à l'automne de cette même année environ la moitié de la population vint s'y fixer. Ils furent rejoint l'année suivante par l'autre moitié à l'exception du père Zidoria [p.58] qui fut s'établir à Natashquan avec ses deux fils en 1873. A leur départ de Kegaska ils vendirent les propriétés qu'ils possédaient à des Irlandais venus de la côte Sud de Terre-Neuve et qui les remplacèrent en cet endroit. Ceux ci à leur tour abandonnéerent la place (1) vers 1887 ou 88. En 1890 Kegaska était complètement désert.

[AUSSI MENTIONNÉ EN PAGE 91-92 DE FORGOTTEN LABRADOR]

(1) Depuis 4 ou 5 ans 2 ou 3 de ces familles de Terre-Neuve ont retourné habiter Kegaska.

    D'après le témoignage des premiers colons de Kegaska, trois causes les déterminèrent à quitter cet endroit 1er L'éloignement du bois de chauffage et de construction 2e L'insuffisance du hâvre pour y tenir leurs goëlettes à l'automne et en dernier lieu, pour se rapprocher d'un endroit où il y avait un prêtre résident afin de n'avoir pas trop loin à aller pour le chercher en cas de maladie, et d'avoir la mission plus souvent qu'à Kegaska.

    Leur flotte se composait de quatre goëlettes. 'L'Hirondelle' (la seule qui fut bâtie à Kegaska) Jude Poirrier et cie, la 'Marie Julie' famille Bourque, la 'Day Spring' N. Harvy et fils, 'Ocean Bride', les fils du père Zidoria (J Giasson).

    Quant au bien-être, les habitants de [p.59] Kegaska vivaient tout aussi bien la`qu'en n'importe quel autre endroit de la côte.

    Un mot maintenant de la colonie de Betchewan. Quelques temps après que les habitants de Kegaska se furent fixé à Betchewan, ils furent rejoint par quelques familles des iles de la madeleine, une famille de la Nouvelle-Écosse (Keting), et quelques familles canadiennes de la côte de sorte que, avec les mariages qui eurent lieu durand les quelques années qui suivirent la population vers 1880 s'élevait à une trentaine de familles.

    Durand les séjours en cet endroit après bien des tâtonnements, ils bâtirent une maison d'école qui leur servait de chapelle lorsque le missionnaire allait les visiter. Ils bâtirent là 3 goëlettes. La 'Sea Star', 'l'Espérance' et la 'Ste Anne'. Théobère Giasson y tenait un petit commerce avancé en partie par Turgeon & Corriveau. En 1886-87 la débandade recomença de nouveau et chacun prit de son côté de sorte qu'en 1890 Betchewan comme Kegaska était désert. Aujourd'hui ils sont dispersé dans toutes les parties de la province. Voilà abrégé l'histoire de la première colonie accadienne établie sur la côte durand le XIX siècle.

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Les croiseurs du Golfe

Avant les environs de 1850, il n'y avait pas de croiseurs dans le Golfe organisé par le gouvernement canadien. C'était un navire de guerre anglais qui faisait le service et dont le ou un des derniers se nommait 'Devastation'. Lorsque les américains qui venaient pêcher le maquereau dans le Golfe débarquaient à terre, ils ne demandaient pas : Have you seen the 'Devastation', ils demandaient: have you seen the devil station.

Vers 1850, le docteur Pierre Fortin, natif de La Prairie près de Montréal, fut envoyé à Blanc Sablon, limite Est du Labrador Canadien, accompagné de 8 hommes, à bord d'une grande berge armée d'un petit pierrier à l'avant, dans le but de chasser les Français qui de temps en temps lorsque la morue se faisait rare sur la côte de Terre-Neuve, traversaient dans de petites embarcations de Port-au-Choix, Ferolle, Pointe-aux-Ancres, etc et venaient pêcher autour de l'île-à-bois, l'île [p.156] verte et dans la baie de Bradore. Il se retirait chez Labadie, à l'anse des dunes.

Après avoir fait le service durand deux ou trois ans, il fut envoyé à Gaspé pour tenir à distance les américains qui venaient pêcher trop près de terre. Finalement en 1855 ''La Canadienne'' fut lancée et il en prit le commandement. C'était une goëlette de 100 tonneaux, gréé à deux mâts de hume, armé de quatre pièces de canon en cuivre, et ayant une vitesse de 8 à 10 noeuds par une belle brise. La juridiction (comme les croiseurs d'aujourd'hui) s'étendait sur la Côte du Nord, depuis Blanc-Sablon en montant, l'Anticosti, la Gaspésie et les iles de la Madeleine. L'automne de 1863 elle fit naufrage dans les parages de l'ile-aux-Oeufs, et ce fut le vapeur ''Napoléon III'' qui la remplaça l'année suivante en attendant qu'elle soit renflouée.

En 1866 le commandant Fortin ayant été élu représentant du comté de Gaspé, M. Téophile Têtu (son secrétaire ou son lieutenant) lui succéda en 1867, lequel mourut [p.157] subitement à bord, aux Sept-iles, dans le cours du mois d'Octobre de la même année.

En 1868, ce fut le docteur N. Lavoie de l'Islet, qui prit le commandement de la ''Canadienne''. En 1873, elle fut mise hors de service pour la croisière, et en 1874 ce fut le vapeur ''Lady Head'' qui fit le service [...].

E 1879, la couronne d'Angleterre fit cadeau au Canada de la ''Canadienne'' actuelle, qui s'appelait alors le ''Fox hound'' et ce fut le docteur W. Wakeham, de Gaspé, qui en prit le commandement, poste qu'il occupe encore actuellement, à l'exception de trois ans ces dernières années lorsqu'il faisait partie de la commission occupé à régler les affaires des pêcheries entre le Canada et les Etats-Unis, et aussi à faire des explorations à la Baie d'Hudson afin de voir durand combien de mois les vapeurs océaniques pouraient [sic] naviguer [p.158] dans ces parages, sans être gêné par les glaces. [...]

En 1871, la goëlette ''Stella Maris,'' propriété de M. Roy de Matane, fut aussi mobilisée par le gouvernement (cette seule année) pour croiser dans le golfe de concert avec l'ancienne ''Canadienne''. C'était le pilote Lachance de St Michel (Belle Chasse) qui était commandant et M. B. Langlois, de St Thomas (Montmagny) très bien connu des habitants de la Pointe et iles de la Magdeleine, qui était capitaine.