SANTERRE, Louis-Ange. De Sept-Îles à Blanc-Sablon : 750 kilomètres par voie d'eau. Québec, Leméac, 1981, 170 p.
Notes de lecture
Avertissement : Toujours contre-vérifier l'information de Santerre avant de l'utiliser. Plusieurs données laissent à désirer.
Sur le sujet, lire mon billet écrit en 2012 : Éclosion de diphtérie à Kegaska
p.93 La Basse Côte-Nord
p.95 À la grande rivière Natashquan débute en fait
la basse Côte-Nord. Le promontoire sablonneux de la pointe Parent, du
côté est de la rivière, s'avance très loin vers le sud et forme une
division naturelle entre la moyenne et la basse Côte-Nord.
La frontière divise alors le diocèse de Haute-rive et celui du Labrador/Schefferville.
Même le paysage change. Au fond, dominent des montagnes de pierres
gigantesques aux formes variées et insolites. Au pied de ces montagnes,
une immense plage de sable fin sur plus de vingt kilomètres ravit tous
les regards.
La rivière l'Étang introduit dans le fief de la municipalité de la
Côte-Nord-du-Golfe-Saint-Laurent, inaugurée le 22 mai 1963. Elle
constitue le plus grand territoire municipal du Canada, elle s'étend sur
une longueur de 290 kilomètres. Six mille habitants se répartissent
dans quinze petits villages, dont trois seulement majoritairement de
langue française.
Dans cette partie de la Côte-Nord, beaucoup plus qu'ailleurs, le
transport conditionne tout. Le bateau, l'hydravion, l'avion et
l'hélicoptère desservent les individus. Les bateaux, gros, moyens et
petits s'utilisent particulièrement, du moins l'été.
Mais l'hiver, entre ces centaines d'îles qui s'avancent jusqu'à 15 kilomètres de large sur 200 p.96 kilomètres de long, la mer gèle tôt et l'eau gît tranquille.
Pour les citadins, la circulation individuelle se maintient libre et
facile. Anciennement en traîneaux à chiens, maintenant en motoneige, ils
vont veiller le soir à plus de 40 kilomètres et reviennent dans la nuit
chez eux.
Les rapports avec l'extérieur trahissent plus d'inquiétude pendant cette période.
La réputation d'un pays difficile, au climat rude se concrétise dès lors. La survivance demande un courage à toute épreuve.
Cette nature exige que l'on vainque ses éléments plus difficiles pour
survivre. Des hommes et des femmes mènent une existence où chaque
réussite prouve un exploit, où l'héroïsme est monnaie courante. Combien
raconte tout bonnement, comme un souvenir ordinaire de toutes leurs
aventures, une nuit écoulée à la belle étoile, sur une île, en plein
mois de janvier, sans couverture et sans possibilité d'allumer du feu au
cours d'excursion de pêche ou de chasse.
On parvient enfin au coeur de la basse Côte-Nord.
p.96 Kégashka
Peu après Natashquan, on repère le village de Kégashka. Il apparaît superbe, niché au fond [p.97 photo, p.98 description de la photo] p.99 d'une baie, construit de chaque côté de la rivière qu'un petit pont de bois enjambe.
Du bateau, on remarque étonné le chemin du village dont la blancheur
reflète les rayons du soleil. Un pavé de coquillages de mer écrasé tient
lieu d'asphalte.
Avant de rejoindre le modeste quai, voici la rivière Longue et la
rivière Kégashka, aux multiples variantes comme Chekashka et le
diminutif Kashka qui se prête également à une baie, un village, une île
et une pointe.
Une histoire assez spéciale éprouva ce petit village. Des Acadiens de
langue française, originaires des Îles de la Madeleine, se regroupèrent
dans cette région, en 1857. Tous les chefs de famille s'employaient à
la pêche.
Au cours de l'hiver 1870-1871, une épidémie de diphtérie ravagea le
village, presque tous les enfants moururent et quelques adultes aussi.
Cette année-là, en plus, un envahissement de marsouins anéantit presque
la pêche à la morue. Au printemps, tous les habitants se désolaient dans
une très grande misère : malades, rien à manger. Le père Boutin, venu
de Natashquan à la fin du printemps 1871, sollicite le secours du
gouvernement pour évacuer toutes les familles. Un bateau spécial les
rescape, les conduit à Québec où le bureau d'immigration du port les
retient en quarantaine comme des étrangers avant de les acheminer vers
la Beauce où on leur livre de nouvelles terres.
En octobre 1872, des Terre-neuviens anglais achètent une partie des maisons abandonnées. p.100
Quelques années après, ils saluent quelques familles en provenance de
l'Ontario et, en 1895, d'autres familles anglaises exilées d'Anticosti à
l'achat de celle-ci par le chocolatier français Henri Menier.
Kégashka forme maintenant un très joli village anglais de la
Côte-Nord. Sa petite route pavée de coquillage écrasés relie les maisons
à l'église, à la salle paroissiale, à l'école et au quai, et des
trottoirs de bois tiennent compagnie aux maisons.
L'emplacement du cimetière seulement rappelle le village français;
les restes exhumés reposent près des survivants des familles dans leurs
novueaux quartiers.
p.111 Wolf-Bay
Tout au fond, le havre Jones. D'un côté le quai, de l'autre un petit
hameau, huit maisons habitées de père en fils par les mêmes membres
d'une même famille, les Jones, dont les ancêtres s'expatrièrent de
Terre-Neuve en 1850.
Ces familles pêchent les homards et pétoncles qu'ils mettent en conserve. On ouvre toujours une boîte avec délice.
Tout près du hameau, un petit cimetière. Un monument très haut, celui
de l'ancêtre, trône entouré de ses descendants décédés depuis 1850 et
inhumés avec moins de pompe.